Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/263

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temps, je ne pouvais m’être égaré. Mais l’idée m’amusait : presque un jeu. Pendant quelques minutes, je courus d’un arbre à l’autre, avec des soupirs et des plaintes, me donnant la comédie du Monsieur qui s’effare, qui perd la tête, parce qu’il ne sait plus où il est. Cependant, comme les arbres n’en finissaient pas, l’aventure me parut plus sérieuse. Est-ce que je savais, moi, comment je m’étais engagé dans cette forêt ? Des coups de froid m’annonçaient le soir. Certains fourrés étaient bien noirs. Et si j’avais à passer la nuit dans ce froid et ce noir ? Je n’eus plus besoin de me donner la comédie. Je perdis la tête pour de bon ; je me jetai dans un sentier, puis revins sur mes pas, car la forêt m’y paraissait plus dense. Un autre sentier : la forêt y était tout aussi dense. Je finis par tourner sur place ; ne sachant plus. Je m’assis sur une pierre, je me raisonnai :

— Cela ne sert à rien de t’affoler. Tu t’es égaré, c’est entendu. Quand même, tu n’es pas au bout du monde. D’ailleurs, tu le sais, il y a là le toit d’une maison. Les gens te renseigneront. Va.

Rassuré par ce « va », je tournai le dos à la maison… Des arbres, des arbres. Fourvoyé, oui, je l’étais. Cela n’avait aucune importance. Tout allait bien : « Eh ! eh ! tu as un