Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/266

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s’arrondissait un étang. Est-ce vers cela que j’avais couru ? Charles se tut. Ou plutôt, je ne me souvins plus de l’avoir entendu. Quel calme ! Les arbres formaient une barrière loin. Je m’avançai jusqu’à l’extrême bord de l’étang. Il semblait profond. L’eau était belle, un peu rose, comme le ciel là-haut car le soleil se couchait. « Louise y a vidé sa boîte de rouge-confusion. » Je souris à cette idée et aussitôt une autre me vint : me jeter là-dedans. Personne au monde ne m’en pourrait empêcher. Je m’amusai à le penser en sachant bien que je n’en ferais rien. Je trempai un doigt dans l’eau. Je l’aurais cru plus froide. On y serait bien. J’avais eu assez d’ennuis. Plus de Dupéché, plus de Charles, plus de Jeanne. Voyez-vous Marcel là-dedans, la tête en bas, comme un de ces chats noyés ? « Je ne te connaissais pas sous cet aspect — Celui-ci, Mademoiselle, le connaissiez-vous ? » Décidément oui, j’avais tout cassé, tout gâché : il ne me restait que l’eau. Les bords descendaient en pente douce. On aurait d’abord de l’eau aux semelles, puis aux pieds, puis aux mollets, puis… Je m’avançai un peu. Je savais que bientôt je m’avancerais davantage, puis me laisserais choir d’un seul coup. De petites bulles nageaient, d’autres montaient : « Voilà, on t’envoie des