Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/267

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baisers du fond de l’eau.» Je ne sais pourquoi je pensai à la Louise de l’autre, non à Jeanne. Je me penchai encore. Un long nuage s’effilait bien rose, rouge, rouge confusion. La mousse écrasée m’envoyait d’autres baisers de Louise. « Va Marcel. »

En ce moment, des pas sonnèrent. Avec quelle vitesse, je me rejetai en arrière ! Je voulais bien me noyer, non pas qu’un autre me poussât dans l’eau. Je m’écartai de l’étang à bonne distance. Un petit soldat passa inoffensif, marchant très vite et sifflotant. Je pensai à Dufau : « Si je t’ai fait quelque bien, tu prieras pour Dufau… » J’avais prié pour Dufau…

Ici il y a un trou. Je ne sais ce qui se passa la nuit, ni comment le lendemain je me retrouvai dans les bureaux de mon Percepteur. Je ne me souvenais de rien. J’avais l’impression de reprendre mon travail au point où je l’avais laissé la veille. Je m’étonnais de me sentir la tête si vide. Mon collègue M. Poncin souffrait des dents, du côté droit. Il me considéra avec une insistance qui me surprit. Je suivis son regard. Mes vêtements étaient couverts de boue. Qu’est-ce que cela signifiait ? Il me dit avec sa grosse joue :

— Cela se voit, vous venez de la noce.

Je restai ahuri un instant et brusquement,