Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/269

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homme. J’allai me camper devant sa table :

— C’est entendu, dis-je, nous marchons la main dans la main. Mais votre Bien, Monsieur, n’est pas le mien. Et vos vilains chiffres…

J’entendis nettement claquer mes dents. Je n’achevai pas. Je me ruai vers la porte, bousculant un Monsieur qui attendait les mains pleines de ce sale argent à chiffres.

Au tournant de la rue, je tombai sur maman.

— Enfin te voilà, petit. Pourquoi n’es-tu pas rentré. Comme te voilà mis ! Et ton œil, il est tout rouge !

— Rouge, maman ? Mais non : j’ai fait ceci. Je lançai un clin d’œil ; je le montrai avec le pouce.

— Ou plutôt, dis-je, ce n’est pas exactement ainsi. Regarde : comme cela.

J’appuyai fortement du pouce, ce qui m’écorcha la paupière. On me dit, de très loin :

— Tu vas te blesser. Rentre avec moi. Tu te reposeras un peu.

Je pris le bras de maman. C’était doux. Je trouvais drôle de suivre une maman « pour se reposer un peu » comme on suit une Nelly. Pourquoi pleurait-elle ? Des idées me traversaient la tête. Elles passaient vite : des flèches dont on ne voit que le vol. J’aurais voulu l’expliquer à maman. Je ne trouvais