Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/32

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mots tremblaient comme le menton et l’ombrelle.

— Mon p-petit, le q-quai de Bé-béthune est mon Ni-nice à m-moi.

Je préférais notre quai où ce n’était pas Ni-nice. En descendant sur la berge, on pouvait admirer de près, presque toucher, le bateau lavoir si mystérieux, puisqu’il flotte comme un navire et se cache sous un toit comme une maison. Si maman était loin, on risquait deux pieds sur la passerelle ; on se penchait vers l’eau pour entrevoir ne fût-ce qu’un pan de la robe de la grande Marie du pont. Ou bien, on stationnait devant les chalands qui montrent un canari dans une cage, une poule sur le pont, et un petit roquet jaune qui aboie de la poupe à la proue sans pouvoir aller plus loin. J’aimais aussi la rue Saint-Louis. Si longue, si étroite. Maman m’y envoyait en courses. Au bout, l’église tendait comme enseigne son horloge. Elle me rappelait la montre de papa : une bête dedans, mais engourdie, car les pattes pendaient toujours à la même place.

Ce que j’aimais le plus, c’était l’autre rive, où je ne pouvais aller. Elle remplaçait mon parc. À la soirée, quand il faisait chaud, des enfants se déshabillaient et barbotaient dans l’eau. On lançait des bâtons pour