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Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/34

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gueule ouverte, les crocs dehors. Les pattes pendaient aussi. La queue était une chose minable. Quand un bateau passait, cela bougeait un peu : la tête, une patte ; mais on sentait que ce n’étaient pas les mouvements des chats qui vivent et pour un rien ils redevenaient immobiles. À les regarder, je comprenais le mot : mort. Maman en avait horreur ; à moi, cela ne me semblait pas horrible. Pauvres petits chats ! Quels airs malheureux ! Je ressentais de la pitié. Et il y avait d’autres morts. Ceux dont on dit : « Il est mort », puis un corbillard passe. Morts sous leur bâche, morts dans l’eau, morts dans leur voiture, je m’inquiétais de tous ces morts :

— Ne pense pas à cela, petit.

Maman me soufflait sur le front. Chasse-t-on les idées comme les mouches ?

De chez nous aussi, grâce à la maison qui nous tournait le dos, on voyait beaucoup de choses. Maison de riches. Elle réservait ses belles fenêtres pour regarder les quais. Les autres étaient pour nous. Celles du premier étaient toujours ouvertes. Elles montraient tout : la cuisine à gauche, la salle à manger à droite, une pièce de transition entre les deux.

Je savais bien quelque chose : si le Monsieur du premier avait un si gros ventre, c’est qu’il attendait un bébé. Cela me préoccupait