Page:Baillon - Moi quelque part, 1920.djvu/117

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sautera sur ses pieds et tant pis si du sang tout plein doit rougir ces murailles.

— Encore du lait ?

— Je veux bien.

Il tend sa tasse : ce que je verse file à côté. Il me regarde.

— Merci !

Houp ! Les gendarmes ont vu ce qu’il fallait. À l’aise, ils vont jusqu’au bout du jardin, où mon cerisier les intéresse ; ils s’en permettent chacun une branche, ce qui n’est pas voler, puis ils tournent vers la gauche et je ne les vois plus. Seulement ils sont toujours là : je les entends d’abord sur le côté de la maison, le long de l’étable, où Spitz aboie ; puis sur le derrière, où il y a une porte, puis houp ! houp ! de plus en plus vite, en plein galop, à travers la bruyère.

Partis ! À deux mains, cette fois, l’homme empoigne son bol et le couteau reste sur la table. Il a fini, d’ailleurs ; il lève les yeux et voit alors ce paysan tout pâle.

Devine-t-il que j’ai compris ? Lentement debout, il va jusqu’à l’âtre où sont le chat et la flamme. Il me tourne le dos.

Je lui fourre ce qui reste du pain. Ensuite du tabac.

— Merci.

— Prenez aussi la pipe.

— Oui.

Tout cela, il le fourre dans sa poche.

Puis il s’en va.

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Les crêpes

Eh bien, Marie, qu’est-ce que tu as ?

— Moi… ? rien.

Elle ne se retourne même pas. Le front à la vitre, elle regarde vers le champ où Gille le boiteux s’acharne si fort, sur sa bêche, qu’il en paraît presque droit.

Il fait un matin maussade de printemps qui hésite à venir : sans neige, sans pluie, mais aussi sans lumière. La brume stagne