compte, dans l’endroit où l’on devient quelqu’un. Qu’est-ce qui le retient, puisque, sa besogne terminée, plus rien ne peut se produire ? Pourtant, s’il se produisait quelque chose. À la longue, lorsqu’il se décide, sorti de cinq minutes, le re-voilà, au téléphone :
— Allô ! Tout est-il en ordre ?
D’un autre, les patrons supporteraient mal ces lubies. Ranquet est leur ami. Étudiants, ils ont nocé ensemble, ils se tutoient, ils s’appellent : « Louis » ou « Georges ». Deux noms pour les trois. On pourrait s’y tromper si quelquefois les choses ne se remettaient au point. Quand Georges-rédacteur fait une gaffe — Georges et Maurice-amis disparaissent : « Monsieur Siburd… Monsieur Dufour… Monsieur Ranquet ». Et on ne se tutoie plus.
— Plus souvent ! hurle ensuite Ranquet, que je resterai dans leur boîte : demain je démissionne.
Depuis des années, il démissionne, trois fois par jour.
Avec ses gros mollets, Ranquet a-t-il jamais roulé en bicyclette ? Cela n’est pas sûr, mais il s’y entend mieux que les coureurs dont c’est le métier. Au vélodrome, Ranquet, qui est là en journaliste, se mêle aux groupes en organisateur. Il discute, crie des ordres et, le départ donné, devient le plus sensible des spectateurs. Impartiaux, dans leur tribune, ses confrères enregistrent ce qu’ils voient. Emballé, Ranquet houspille les traînards, stimule ceux de tête et si, par hasard, son favori l’emporte, pousse autant de clameurs que les mille bouches du public toutes ensemble. Une fois, il