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Les nouveaux effets objet de l'agiotage des financiers qui les avaient souscrits, devinrent pour eux la source de grands bénéfices. Chaque jour un autre papier, sous un nouveau nom, venait grossir le nombre de ces valeurs dépréciées, dont il partageait aussitôt l’avilissement, parce qu’il n’existait aucun gage assuré ni pour les capitaux, ni pour les intérêts. Déjà, en effet, les revenus de cinq années à venir étaient grevés de soixante-neuf millions d’assignations; et cette garantie même devenait en quelque sorte incertaine en raison de l’exigence des comptables, toujours prêts à tirer profit du désordre de l’administration, et de la réduction que chaque année apportait aux revenus. Elle était si sensible sur les droits de consommation, que personne n’osait se charger pour long-temps des fermes, dont le bail était prorogé d’année en année. Les effets à terme de toute nature qui étaient en circulation s’élevaient, avec leurs intérêts, à quatre cent treize millions, dont trente-six avaient été créés pour la solde des troupes. Tels étaient le relâchement de la discipline et le désordre résultant de la pénurie, que les militaires se livraient à la contrebande du sel. Des cavaliers et des fantassins, par bandes des deux ou trois cents hommes, parcouraient le Boulonnais, la Picardie, la Normandie, l’Anjou, l’Orléanais, vendant publiquement le sel qu'ils avaient enlevé dans les greniers royaux. Un détachement de ces faux sauniers eut la hardiesse de venir jusque dans le village de Meudon[1].

Des assignations, cinquante-cinq millions portant

  1. Nouveaux mémoires de Dangeau, publiés par M. Lemontey.