Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/143

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se vouera à sa réorganisation intérieure. Une nouvelle ère, une nouvelle expérience commenceront pour lui.

Au cours des années qui ont immédiatement suivi le traité de Francfort, on peut dire que la démocratie a véritablement fait son examen de conscience. Il est vrai qu’elle ne l’a pas conclu en reconnaissant ses erreurs. Oubliant le mandat impératif qu’elle avait donné à Napoléon III, les approbations répétées qu’elle avait apportées à sa politique, elle fit retomber toutes les responsabilités du désastre sur le « pouvoir personnel ». Les monarchistes eux-mêmes, à l’Assemblée nationale, furent en grand nombre convaincus que le pouvoir personnel avait été la cause de nos malheurs. C’est le sentiment qu’exprimait le duc d’Audiffret-Pasquier lorsqu’il disait « Nous ramènerons le roi ficelé comme un saucisson. » Le résultat fut qu’il n’y eut pas de roi du tout, ni « ficelé » ni autrement. C’est essentiellement sur cette idée qu’échoua la restauration de la monarchie. Le régime républicain parlementaire, la démocratie intégrale eurent dès lors partie gagnée et Bismarck, il ne s’en est pas caché, accepta cette solution avec plaisir. Même il s’est vanté d’avoir, à plusieurs dates critiques de nos luttes intérieures, « mis les choses en scène à Berlin ». La monarchie des Hohenzollern rendait à la France ce que les Capétiens avaient fait autrefois à l’Allemagne : elle voyait chez nous avec faveur des institutions qui étaient le contraire des siennes. Et, quant à l’attitude à prendre vis-à-vis des affaires de France, Bismarck donnait à son maître le même conseil que Pierre Dubois avait donné à Philippe le Bel et Marillac à Henri II pour les affaires d’Allemagne.

Tandis que la France agitait la question de savoir si elle serait monarchie ou république, la terre continuait de tourner, les problèmes européens de se poser. L’unité italienne, l’unité allemande accomplies, le repos n’était pas acquis pour l’Europe. La question d’Orient, sans cesse grandie, sans cesse impliquée plus gravement dans les affaires européennes depuis le dix-huitième siècle, se développait encore et sous des formes plus aiguës. Comme l’avait prévu Proudhon, de nouvelles nationa-