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Page:Bainville Les conséquences politiques de la paix 1920.djvu/150

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CONSÉQUENCES POLITIQUES DE LA PAIX

assez clairement : c’était l’Adriatique qu’elle voulait avant tout. Son adversaire direct, ce n’était pas l’Empire allemand, c’était l’Empire austro-hongrois. Là s’est trouvé le principe des difficultés futures. Mais la vérité est que l’État italien, depuis qu’il existe, s’adapte avec peine à un système de politique européenne, quel qu’il soit. La paix a compromis cette adaptation au lieu de la faciliter.

L’unité italienne, au dix-neuvième siècle, avait marché du même pas que l’unité alle­mande. De là, chez le plus grand nombre des Italiens, l’idée qu’il subsiste une solidarité et une relation entre l’Allemagne et leur pays. Il fallait donc prévoir que l’Italie serait opposée à tout ce qui tendrait à dissocier l’Allemagne[1], et qu’on lui représenterait sans doute vainement qu’elle ne gagnerait rien si le germa­nisme avec lequel elle serait en contact et contre lequel elle aurait à défendre le Brenner, Trieste et l’Adriatique prenait la forme prus­sienne au lieu de la forme autrichienne. L’Italie n’a pas eu lieu d’intercéder pour l’unité alle­mande, qui n’a pas été mise en question à la Conférence de Paris. Mais il s’est passé quelque chose qui défie toute espèce de raison : la paix n’a laissé que malaise et rancune à l’Italie après que la guerre avait été prolongée de deux années pour ne pas manquer de parole à l’Italie.

  1. Nous renvoyons là-dessus à notre livre la Guerre et l’Itatie, publié en 1916.