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CONSÉQUENCES POLITIQUES DE LA PAIX

signe Rastignac analysait dans la Tribuna une note de griefs et de reproches, adressée le 7 juillet 1919 au Conseil suprême, où M. Tit­toni se plaignait que « le représentant de l’Italie fût traité comme pourrait l’être celui d’un État ennemi et vaincu sommé de rendre compte d’agissements criminels[1] ». Ces paroles amères et graves de l’ancien ministre des Affaires étrangères, le célèbre journaliste les dévelop­pait, les amplifiait, et il arrivait à cette extrême conclusion : « Il n’est peut-être pas illogique de déduire que les Alliés souhaitaient que deux puissances, l’Allemagne et l’Italie, sortissent vaincues et abattues de la guerre ». Tel est l’état d’esprit des Italiens. Ce n’est pas seulement pour eux que l’Adriatique sera encore « très amère ».

On parlait autrefois de « l’équilibre adria­tique ». Tous les équilibres ont été niés par la paix, celui-là comme les autres. Et nous avons un imbroglio adriatique qui n’eût pas existé si l’Autriche avait survécu, qu’il n’eût été possible de prévenir, l’Autriche une fois démembrée, que si les Yougo-Slaves avaient été franchement

  1. Pour connaître et pour comprendre le point de vue italien, il n’est pas inutile de citer encore ce passage du même document : « Quant au traité de Londres de 1915, il s’agit… d’un traité en bonne et due forme. Aucune espèce de justification ne pourrait légitimer l’affirmation que ce traité est par endroits périmé ou sur le point de l’être. Si des conditions de fait existant en 1915 ont subi des changements, il est facile d’en tenir compte. Mais il y a loin de là à vouloir altérer l’esprit du traité jusqu’à priver un seul des contractants des fruits de la victoire remportée en commun ». En d’autres termes, l’Italie estime qu’elle a été trompée et volée.