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L’IMBROGLIO ADRIATIQUE

sacrifiés aux Italiens, mais qui s’est développé et aggravé par le fait que tous les intéressés se jugent lésés et restent mécontents. Nous n’a­vons même pas choisi !

Il y a eu un temps où le ministre français qui avait préparé l’entente franco-italienne était accusé d’avoir débauché l’Italie et fourni par là un grief à Guillaume II. Cette fois nous n’avons pas débauché l’Italie. Pourquoi ? Pour rien. Du moment que les engagements de 1915 étaient déchirés, il pouvait valoir la peine de se fâcher avec l’Italie si elle méconnaissait les con­ditions d’un équilibre de l’Europe. Il pouvait valoir la peine de négliger ses protestations si c’était pour créer un ordre continental qui nous eût permis de nous passer d’elle et de rendre impuissante son hostilité. Nous ne dirons pas que c’eût été beau, que c’eût été noble. Ce n’eût pas été plus immoral que le reniement des signatures données et, du moins, c’eût été rationnel. D’ailleurs, un Empire austro-hon­grois subsistant, il eût été possible de trouver des combinaisons qui eussent procuré à l’Italie encore plus qu’elle n’a reçu. Avec sa plasticité, une Autriche reportée vers le nord-est, vers la Pologne, vers Dantzig et la Baltique, eût renoncé sans douleur à Trieste et à Fiume, comme elle avait renoncé autrefois à Venise ; cette solu­tion, si naturelle, avait été esquissée pendant les pourparlers secrets de 1917. Mais l’amitié italienne a été compromise sans contre-partie et pour le néant.