Page:Baissac - Le Folk-lore de l’Île-Maurice, 1888.djvu/15

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beaucoup et la plus riche et la plus intéressante des manifestations du génie créole.

L’invention de ces contes est-elle vraiment nôtre ?

L’invention, à y regarder d’assez près, n’appartient en réalité à personne : la matière des contes populaires, d’un bout du monde à l’autre bout, est un patrimoine commun à toute l’humanité. Tout là-bas, dans un passé si lointain, si obscur que notre science moderne est impuissante à en pénétrer les ombres, tout là-bas, au berceau mystérieux de notre race, est la source ignorée de tous ces contes : d’abord, de vagues légendes, et plus loin encore que ces légendes, des mythes indéchiffrables. L’humanité commence son exode, elle emporte ses fables avec elle. Elle marche, et partout où s’arrête et se fixe une des familles qui deviendront des nations, avec elle s’arrêtent ses fables et ses contes ; hommes et fables s’approprient à la patrie nouvelle : ils se façonnent au climat nouveau, ils se colorent des reflets de son ciel, ils se pénètrent des parfums de ses plaines, de ses vallées, de ses forêts, de ses montagnes. Puis les siècles succèdent aux siècles ; les ressemblances diminuent, les divergences augmentent ; et le jour vient où pour le voyageur qui passe, toutes ces versions d’une fable une à l’origine, sont devenues autant de contes étrangers entre eux, autant de productions particulières au sol même où il les rencontre. Mais la sagacité d’une analyse attentive sait reconnaître leur unité originelle. La démons-