Page:Baker - Pourquoi faudrait-il punir, 2004.djvu/180

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dois respecter le règlement. » Et in petto « Je serais vous, je poserais des bombes. » Mais bizarrement, en ce début de millénaire, les criminels placés sous écrou ne sont pas, en France, des terroristes et n’en veulent pas au premier passant venu, lequel risque infiniment plus de mourir étouffé dans les affres d’une maladie que sous l’oreiller d’un assassin ou même de seulement recevoir un jour un coup de poing. Les craintes concernant délinquants et détenus sont l’objet de tellement de phantasmes…

Chacun pourrait se poser cette question : « Ceux qui peuvent me faire du mal sont-ils actuellement en prison ? » Question subsidiaire : « Ceux qui sont actuellement en prison me veulent-ils du mal à moi ou à quelqu’un de mes proches ? »

« Ils peuvent attaquer n’importe qui. » S’il est vrai que tout peut arriver, je risque alors aussi bien de me faire agresser par un voisin de palier, un chien sur un sentier, un collègue de travail, un passant devenant subitement fou, bref par tout ce que peut réserver le hasard et non pas forcément par un repris de justice.


La prison doit disparaître, parce qu’elle est afflictive c’est-à-dire littéralement qu’elle veut faire naître chez l’homme condamné un sentiment d’abandon, d’accablement, d’impuissance, parce qu’elle est un châtiment et qu’un châtiment est toujours une sale affaire.

Le châtiment peut-il disparaître ? Non, pas plus que la cruauté des hommes. Il réapparaîtra, s’il le faut, en dehors du droit pénal. Il est la condition de toute loi et la loi la condition de toute société. Mais rien ne nous empêche, vivant en société sans pouvoir y échapper, de nous élever contre ce qu’elle sécrète comme les punitions, la violence, le travail, l’argent. Pourquoi devrions-nous, réduits en cet esclavage, ne pas garder un esprit libre ? Nous pouvons bien regretter ce que devient ce monde et fièrement refuser notre aliénation. Et nous trouvons de grandes joies sans cesse renouvelées à rencontrer d’autres individus partageant notre mépris et notre insubordination, voire nos combats minuscules.