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des viols et des supplices. Anne-Marie Marchetti met bien le doigt sur « le plaisir que peut procurer aux humains la souffrance infligée à autrui, la satisfaction trouble et ambiguë que bon nombre de personnes ressentent devant le spectacle de la douleur, surtout si celui qui la subit a enfreint une loi qu’eux-mêmes s’interdisent — non sans frustration ! — de transgresser.

« Et puis demander que celui qui a fait le mal encoure une peine qui fasse vraiment mal autorise le plaisir, intense pour certains, de faire mal à leur tour en toute légitimité et en toute impunité. La jouissance empêchée de la transgression devient ainsi jouissance autorisée de la punition. »[1]

Thierry Lévy[2] avait déjà soulevé cette question du double plaisir des justes de faire le mal par malfaiteur interposé et de faire mal à quelqu’un sans risques à travers les juges.

Le goût de punir n’est pas que celui de nuire ; il y entre une perversité qui a de quoi faire peur. Assurément si l’on devait passer un an sur un bateau soit avec quelqu’un ayant déjà tué, soit avec un(e) autre « aimant punir », on aurait tout intérêt à choisir le meurtrier ou la meurtrière. Il y a quelque chose de pathologique dans l’exaltation qu’éprouvent certains à châtier celui qui a commis une faute.

La volonté de punir est à l’origine de presque tous les crimes de sang non accidentels. Sombres histoires de jalousies ou de règlements de comptes. Mais c’est encore plus vrai — nous y avons fait allusion dans le chapitre précédent — de ce besoin maladif de vengeance qui aiguillonne la plupart des tueurs en série. Quand on peut lire le récit de leur vie, on est frappé par ce leitmotiv : « J’ai voulu me venger ». En général il s’agit d’une mère sans amour, mais ce peut être d’un viol au cours de l’enfance ou d’un séjour voulu par les parents en hôpital psychiatrique. Le tueur en série, comme des millions de gens dits normaux, se venge sur quelqu’un de son sentiment d’insécurité. C’est injuste.

  1. Anne-Marie Marchetti dans Perpétuités, Plon Terre humaine, 2001.
  2. Le désir de punir, op. cit.