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Le délinquant est par définition un rebelle indiscipliné, il ne respecte ni les lois ni les personnes. Il passe pour éminemment violent dans l’imaginaire social. C’est une bête fauve, il faut en faire un chien pas forcément gentil mais soumis.

Tous les coups sont permis et je ne joue pas sur les mots. J’ai entendu de nombreux éducateurs affirmer qu’il fallait « briser leur orgueil en les mettant devant leur échec ». Sans parler des discours de quelques psychothérapeutes sur la nécessité de « leur faire intégrer la loi » en les forçant à respecter tout règlement (entendons n’importe quelle injonction d’un surveillant, lequel sera toujours couvert par le brigadier).

Faire plier, quoi de plus facile en soumettant quelqu’un à la torture ?

Elle est infligée de deux manières. La première vise les nerfs. Le prisonnier n’a qu’une seule raison de vivre : sortir. Or il peut être libéré à mi-peine s’il n’avait jamais été condamné auparavant, sinon aux deux tiers de la peine. Il peut être libéré. Mais. Mais les autorités ne le laisseront sortir que lorsqu’elles le jugeront bon, quand il aura payé les frais de justice, quand il aura montré patte blanche, quand il se sera écrasé.

En fin de peine, on est obligé de le relâcher (mais il aura subi plusieurs mois ou plusieurs années de plus que les autres). Obligé de le relâcher, quoique…

C’est rare, mais il peut arriver ceci et les détenus « agressifs » vivent dans cette terreur : la direction peut estimer que l’homme qui leur rend la vie infernale, qui se bat chaque fois que s’en présente l’occasion et ne répond aux surveillants que par des propos impertinents, peut franchir libre la porte de la prison, mais que — un coup de fil au service ad hoc de la préfecture aura suffi — sur le trottoir l’attendront des infirmiers musclés qui l’emmèneront dans l’un des quatre hôpitaux psychiatriques-prisons de France, les terrifiantes UMD, « unités pour malades difficiles », avec miradors, sauts-de-loup, etc.