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siens, dormir, se doucher, porter des lunettes, faire du repassage, mettre des miettes sur le rebord de sa fenêtre pour nourrir un oiseau, se fabriquer un cadre, raccommoder, la liste est sans fin. Ce qu’il considère bêtement comme un acquis sera remis en question lorsque changera le moindre sous-chef, à plus forte raison le directeur. Certains de ces derniers sont plus « ouverts » que d’autres et ont alors intérêt à donner des gages de bonne volonté au personnel qui saura bien sinon les dénoncer comme laxistes. Mais qu’il soit « honnête » ou « facho » comme disent les taulards, un directeur ne peut strictement rien changer à la perversité d’un système dont le but est de « faire mal » pour venger une société. J’en ai connu deux qui se sont vraiment battus pour aider un détenu qui les avait impressionnés[1]. Que croyez-vous qu’ils tentèrent, à l’exclusion de toute autre chose ? Les faire sortir de là.

Car en prison on devient dément. Les grands quotidiens et magazines de l’année 2002 ont tous consacré au moins un article à ce phénomène : on estime à 30 % le nombre de détenus malades mentaux. Nous savons bien qu’un bon nombre d’entre eux souffraient de troubles psychiatriques avant d’être incarcérés. C’est dû à la fermeture progressive des hôpitaux psychiatriques, ce qui serait une bonne chose si des psychiatres n’en avaient pas lâchement profité pour se décharger des « cas lourds » sur les responsables de l’ordre public, la police et la Justice. Nous y reviendrons dans le chapitre suivant.

On ne peut nier non plus que la Société sécrète de plus en plus de déséquilibrés. Mais de l’avis général des psychiatres en milieu pénitentiaire, ces deux raisons ne peuvent expliquer la montée prodigieuse des cas de folie en prison. La paranoïa y règne en maîtresse et les chercheurs en criminologie sont enclins à penser que l’allongement spectaculaire de la durée des peines explique le désespoir, la perte du sens qui fermentent dans les cellules.

  1. Je pourrais dire la même chose de trois juges d’application des peines.