Page:Bakounine - Œuvres t6.djvu/230

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menant droit à une conciliation de dupes avec le radicalisme bourgeois de leur cité. Tous ces rêves patriotiques, toutes ces ambitieuses espérances qui étaient d’autant plus vivaces qu’elles n’osaient s’avouer, se sentirent renversés, effarouchés par ce terrible mot d’Égalité.

Alors il y eut des explications charmantes : tous ces grands citoyens de Genève comprenaient, adoraient l’égalité, et, s’il n’eût |59 tenu qu’à eux seuls, ils auraient voté des deux mains pour un titre comme celui-là. Mais ce mot ne serait pas compris par la foule, par la canaille de l’Internationale ; il pourrait blesser les susceptibilités aristocratiques des ouvriers en bâtiment ! C’est ce que disait au moins le porte-voix de la coterie, le pauvre tailleur Wæhry, Parisien, ci-devant communiste icarien, un homme plein de dévouement, mais aussi plein de fiel et de vanité rentrée, et qui eut toujours le malheur, tout en professant théoriquement les principes les plus avancés, de voter en pratique pour les résolutions les plus réactionnaires. Aussi fut-il, tant qu’il vécut, le Benjamin et le prophète de la Fabrique genevoise.

Nous emportâmes toutefois de haute lutte le nom d’Égalité, et nous parvînmes plus tard à créer un Comité de rédaction dont la grande majorité du moins se montra franchement dévouée aux principes contenus dans ce seul nom. Ces luttes, et plus encore l’apparition successive des numéros de l’Égalité, qui devenait de semaine en semaine plus