Page:Bakounine - Œuvres t6.djvu/265

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Perron et beaucoup de confiance, confiance qui à cette époque commençait déjà à s’ébranler toutefois, tant ses incertitudes, ses caprices, ses changements d’un jour à l’autre, ses négligences, ses oublis, ses élans d’exaltation passionnée suivis presque toujours d’incroyables abattements de cœur et d’esprit et d’une indifférence évidente, me paraissaient singuliers. Ce n’était évidemment pas la nature d’un homme de pensée fixe et d’action persévérante, c’était plutôt celle d’un homme sentimental, d’un poète. Il n’avait pas la trempe d’un dictateur, et s’il se croyait, à ce moment, capable de remplir ce rôle, il était évident qu’il se faisait illusion sur lui-même.

Sans me fâcher, je lui rappelai tout doucement qu’il ne pouvait être question de dictature entre nous, que notre loi c’était l’action collective. (Et maintenant que les amis des Montagnes me connaissent un peu, je fais appel à leur jugement. |90 Ont-ils trouvé en moi l’ombre de tendances dictatoriales ? Vivement et profondément convaincu, quand je suis parmi les amis je leur expose et au besoin je défends vivement mes convictions. Mais est-ce que j’ai jamais voulu les imposer, et, lorsque la majorité avait décidé autrement, ne me suis-je pas toujours soumis à son vote ? Mes amis des Montagnes se sont convaincus, j’espère, que chez moi la foi, je dirai presque exclusive, fanatique, dans la pensée, dans la volonté et dans l’action collectives est très sérieuse.) À toutes mes remontrances Perron répondit : « Ou bien, tu me laisseras faire tout