Page:Bakounine - Dieu et l’État, 1892.djvu/106

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triomphe de la sottise croyante sur l’esprit, et pour quelques-uns, l’ironie d’un esprit fatigué, corrompu, désillusionné et dégoûté de la recherche honnête et sérieuse de la vérité ; c’était le besoin de s’étourdir et de s’abrutir, besoin qui se rencontre souvent chez les esprits blasés :

« Credo quia absurdum ».

Je ne crois pas seulement à l’absurde ; j’y crois précisément et surtout parce quil est l’absurde. C’est ainsi que beaucoup d’esprits distingués et éclairés croient, de nos jours, au magnétisme animal, au spiritisme, aux tables tournantes, — et pourquoi aller si loin ? — croient encore au christianisme, à l’idéalisme, à Dieu.

La croyance du prolétariat antique, aussi bien que celle du prolétariat moderne, était robuste et simple. La propagande chrétienne s’était adressée à son cœur, non à son esprit, à ses aspirations éternelles, à ses besoins, à ses souffrances, à son esclavage, non à sa raison qui dormait encore, et pour laquelle par conséquent les contradictions logiques, l’évidence de l’absolu ne pouvaient exister. La seule question qui l’intéressait était de savoir quand sonnerait l’heure de la délivrance promise, quand arriverait le règne de Dieu. Quant aux dogmes théologiques, il ne s’en souciait pas parce qu’il n’y comprenait rien. Le prolétariat converti au christianisme en constituait la puissance matérielle, mais non la pensée théorique.

Quant aux dogmes chrétiens, ils furent élaborés dans une série de travaux théologiques, littéraires, et dans les conciles, principalement par les néo-platoniciens convertis de l’Orient. L’esprit grec était descendu si bas, qu’au vii de l’ère chrétienne, époque du