Page:Bakounine - Dieu et l’État, 1892.djvu/107

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premier concile, l’idée d’un Dieu personnel, esprit pur, éternel, absolu, créateur et maître suprême, existant en dehors de nous, était unanimement acceptée par les pères de l’Eglise ; comme conséquence logique de cette absurdité absolue, il devenait dès lors naturel et nécessaire de croire en l’immatérialité et l’immortalité de l’âme humaine, logée et emprisonnée dans un corps mortel en partie seulement, parce que dans ce corps lui-même il y a une partie qui, tout en étant corporelle, est immortelle comme l’âme et doit ressusciter avec elle. Tant il a été difficile, même aux pères de l’Eglise, de se représenter l’esprit pur, en dehors de toute forme corporelle ! Il faut observer qu’en général le caractère de tout raisonnement métaphysique et théologique, est de chercher à expliquer une absurdité par une autre.

Il a été fort heureux pour le christianisme d’avoir rencontré le monde des esclaves. Il eut un autre bonheur : l’invasion des barbares. Ceux-ci étaient de braves gens, pleins de force naturelle et surtout poussés par un grand besoin et par une grande capacité de vivre ; des brigands à toute épreuve, capables de tout dévaster et de tout avaler, de même que leurs successeurs, les Allemands actuels ; mais ils étaient beaucoup moins systématiques et pédants que ces derniers, beaucoup moins moralistes, moins savants, et en revanche beaucoup plus indépendants et plus fiers, capables de science et non incapables de liberté, comme les bourgeois de l’Allemagne moderne. Malgré toutes leurs grandes qualités, ils n’étaient rien que des barbares, c’est-à-dire aussi indifférents pour toutes les questions de théologie et de métaphysique que les esclaves antiques, dont un