Page:Bakounine - Dieu et l’État, 1892.djvu/109

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de l’absurde, jusqu’à ce qu’enfin, dans la seconde moitié du xviii, elle reparut de nouveau au grand jour, élevant hardiment le drapeau de l’athéisme et du matérialisme.


On put croire alors que l’esprit humain allait enfin se délivrer de toutes les obsessions divines. C’était une erreur. Le mensonge dont l’humanité était la dupe depuis dix-huit siècles — (pour ne parlez que du christianisme) — devait se montrer encore une fois plus puissant que la vérité. Ne pouvant plus se servir de la gent noire, des corbeaux consacrés par l’Église, des prêtres catholiques ou protestants, qui avaient perdu tout crédit, il se servit des prêtres laïques, des menteurs et des sophistes à robe courte, parmi lesquels le rôle principal fut dévoluà deux hommes fatals, l’un, l’esprit le plus faux, l’autre la volonté la plus doctrinairement despotique du dernier siècle : J.-J Rousseau et Robespierre.

Le premier est le vrai type de l’étroitesse et de la mesquinerie ombrageuse, de l’exaltation sans autre objet que sa propre personne, de l’enthousiasme à froid et de l’hypocrisie à la fois sentimentale et implacable, du mensonge de l’idéalisme moderne. On peut le considérer comme le vrai créateur de la réaction. En apparence l’écrivain le plus démocratique du xviii, il couve en lui-même le despotisme impitoyable de l’homme d’État. Il fut le prophète de l’État doctrinaire, comme Robespierre, son digne et fidèle disciple, essaya d’en devenir le grand prêtre. Ayant entendu dire à Voltaire que s’il n’y avait pas de Dieu, il faudrait l’inventer, J.-J. Rousseau inventa l’Être Suprême, le Dieu abstrait