Page:Bakounine - Dieu et l’État, 1892.djvu/27

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Pouvons-nous espérer qu’il nous sera dévoilé par les spéculations routinières de quelque disciple pédant d’une métaphysique artificiellement réchauftée, à l’époque où tous les esprits vivants et sérieux se sont détournés de cette science équivoque, issue d’une transaction entre la déraison de la foi et la saine raison scientitique ?

Il est évident que ce terrible mystère est inexplicable, c’est-à-dire qu’il est absurde, l’absurde parce que seul ne se laisse point expliquer. Il est évident que quiconque en a besoin pour son bonheur, pour sa vie, doit renoncer à sa raison, et retourner, s’il le peut, à la foi naïve, aveugle, stupide ; répéter avec Tertulien et avec tous les croyants sincères, ces paroles qui résument ]a quintessence même de la théologie :

Credo quia absurdum.

Alors toute discussion cesse, et il ne reste plus que la stupidité triomphante de la foi. Mais aussitôt s’élève une autre question :

Comment peut naître dans un homme intelligent et instruit le besoin de croire en ce mystère ?’’

Que la croyance en Dieu, créateur, ordonnateur, juge, maître, maudisseur, sauveur et bienfaiteur du monde, se soit conservée dans le peuple, et surtout dans les populations rurales beaucoup plus eucore que dans le prolétariat des villes, rien de plus naturel. Le peuple, malheureusement, est encore très ignorant et maintenu dans l’ignorance par les efforts systématiques de tous les gouvernements qui la considèrent, non sans beaucoup de raison, comme l’une des conditions essentielles de leur propre puissance. Ecrasé par son travail quoti-