Page:Bakounine - Dieu et l’État, 1892.djvu/59

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très logique et tout à fait naturel. Mais un maître qui se sacrifie à ceux qui lui sont subordonnés de par son privilège divin ou humain, est un être contradictoire et tout à fait impossible. C’est la constitution même de l’hypocrisie, si bien personnifiée par le pape qui, tout en se disant le dernier serviteur des serviteurs de Dieu, en signe de quoi, suivant l’exemple du Christ, il lave même une fois par an les pieds de douze mendiants de Rome, se proclame en même temps vicaire de Dieu, maître absolu et infaillible du monde. Ai-je besoin de rappeler que les prêtres de toutes les Églises, loin de se sacrifier aux troupeaux confiés à leurs soins, les ont toujours sacrifiés, exploités et maintenus à l’état de troupeau, en partie pour satisfaire leurs propres passions personnelles et en partie pour servir la toute-puissance de l’Église ? Les mêmes conditions, les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. Il en sera donc de même pour les professeurs de l’École moderne, divinement inspirés et patentés par l’État. Ils deviendront nécessairement, les uns sans le savoir, les autres en pleine connaissance de cause, les enseigneurs de la doctrine du sacrifice populaire à la puissance de l’État et au profit des classes privilégiées.

Faudra-t-il donc éliminer de la société tout enseigement et abolir toutes les écoles ? Loin de là. Il faut répandre à pleines mains l’instruction dans les masses et transformer toutes les Églises, tous ces temples dédiés à la gloire de Dieu et à l’asservissement des hommes, en autant d’écoles d’émancipation humaine. Mais, d’abord, entendons-nous ; les écoles proprement dites, dans une société normale, fondée sur l’égalité et sur le respect de la liberté humaine, ne devront exister que pour les