Page:Bakounine - Dieu et l’État, 1892.djvu/65

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écrase brutalement, matériellement, dans tous les pays de l’Europe, la liberté et l’humanité ? C’est le triomphe du principe césarien ou romain.

Comparez maintenant deux civilisations modernes : la civilisation italienne et la civilisation allemande. La première représente sans doute, dans son caractère général, le matérialisme ; la seconde représente, au contraire, tout ce qu’il y a de plus abstrait, de plus pur et de plus transcendent en fait d’idéalisme. Voyons quels sont les fruits pratiques de l’une et de l’autre.

L’Italie a déjà rendu d’immenses services à la cause de l’émancipation humaine. Elle fut la première qui ressuscita et qui appliqua largement le principe de Ia liberté en Europe, qui rendit à l’humanité ses titres de noblesse : l’industrie, le commerce, la poésie, les arts, les sciences positives et la libre pensée. Écrasée depuis par trois siècles de despotisme impérial et papal, et traînée dans la boue par sa bourgeoisie gouvernante, elle reparaît aujourd’hui, il est vrai, bien déchue, en comparaison de ce qu’elle fut, et pourtant, combien elle diffère de l’Allemagne ! En Italie, malgré cette décadence, passagère, espérons-le, on peut vivre et respirer humainement, entouré d’un peuple qui semble être né pour la liberté. L’Italie, même bourgeoise, peut vous montrer avec orgueil des hommes comme Mazzini et comme Garibaldi. En Allemagne, on respire l’atmosphère d’un immense esclavage politique et social, philosophiquement expliqué et accepté par un grand peuple, avec une résignation et une bonne volonté réfléchies. Ses héros, — je parle toujours de l’Allemagne présente, non de l’Allemagne de l’avenir, de l’Allemagne nobiliaire, bureaucratique, politique et bourgeoise,