Page:Bakounine - Dieu et l’État, 1892.djvu/69

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Allemagne, c’est Guillaume Ier, le roi démonstrateur actuel du bon Dieu sur la terre ; ce sont tous ses généraux, tous ses officiers poméraniens et autres, toute son armée qui, forte de sa foi religieuse, vient de conquérir la France de la manière idéale que l’on sait. En Russie, c’est Le tsar et toute sa cour ; ce sont les Mouravieff et les Berg, tout les égorgeurs et les pieux convertisseurs de la Pologne. Partout, en un mot, l’idéalisme religieux philosophique, l’un de ces qualificatifs n’étant que la traduction plus ou moins libre de l’autre, sert aujourd’hui de drapeau à la force sanguinaire et brutale, à l’exploitation matérielle éhontée ; tandis qu’au contraire, le drapeau du matérialisme théorique, le drapeau rouge de l’égalité économique et de la justice sociale, est soulevé par l’idéalisme pratique des masses opprimées et affamées, tendant à réaliser la plus grande liberté et le droit humain de chacun dans la fraternité de tous les hommes sur la terre.

Quels sont les vrais idéalistes, les idéalistes non de l’abstraction, mais de la vie, non du ciel, mais de la terre, et quels sont les matérialistes ?


Il est évident que l’idéalisme théorique ou divin a pour condition essentielle le sacrifice de la logique, de la raison humaine, la renonciation à la science. On voit, d’un autre côté, qu’en défendant les doctrines idéales, on se trouve forcément entraîné dans le parti des oppresseurs et des exploiteurs des masses populaires. Voilà deux grandes raisons qui sembleraient devoir suffire pour éloigner de l’idéalisme tout grand esprit, tout grand cœur. Comment se fait-il que nos illustres idéalistes contemporains, auxquels, certainement, ne man-