Page:Bakounine - Dieu et l’État, 1892.djvu/72

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tout donner à leur empereur, à leur Dieu ; dans cette matière qui, privée de toute action et de tout mouvement propres, ne représente plus, en opposition à l’idée divine, que la stupidité, l’impénétrabilité, l’inertie et l’immobilité absolues.

La chûte est si terrible que la divinité, la personne ou l’idée divine s’aplatit, perd la conscience d’elle-même et ne se retrouve plus jamais. Et dans cette situation désespérée, elle est encore forcée de faire des miracles ! Car du moment que la matière est inerte, tout mouvement qui se produit dans le monde, même le plus matériel, est un miracle, ne peut être que l’effet d’une intervention providentielle, de l’action de Dieu sur la matière. Et voilà que cette pauvre Divinité, quasi annulée par sa chûte, reste quelques milliers de siècles dans cet évanouissement, puis se réveille lentement, s’efforçant en vain de ressaisir quelque vague souvenir d’elle-même, et chaque mouvement qu’elle fait à cette fin dans la matière, devient une création, une formation nouvelle, un miracle nouveau. De cette manière elle passe par tous les degrés de la matérialité et de la bestialité ; d’abord gaz, corps chimique simple ou composé, minéral, elle se répand ensuite sur la terre comme organisation végétale et animale, puis se concentre dans l’homme. Ici, elle semble devoir se retrouver, car elle allume dans l’être humain une étincelle angélique, une parcelle de son propre être divin, l’âme immortelle.

Comment a-t-elle pu parvenir à loger une chose absolument immatérielle dans une chose absolument matérielle ; comment le corps peut-il contenir, renfermer, limiter, paralyser l’esprit pur ? Voilà encore une