Page:Bakounine - Dieu et l’État, 1892.djvu/75

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dore elle-même, tantôt dans une pierre, tantôt dans un morceau de bois, tantôt dans un torchon. Il est même fort probable qu’elle ne serait jamais sortie du torchon, si l’autre divimté, qui ne s’est pas laissée choir dans la matière, et qui s’est conservée à l’état d’esprit pur dans les hauteurs sublimes de l’idéal absolu, ou dans les régions célestes, n’avait pas eu pitié d’elle.

Voilà un nouveau mystère. C’est celui de la Divinité qui se scinde en deux moitiés, mais également infinies toutes les deux, et dont l’une — Dieu le père — se conserve dans les pures régions immatérielles ; l’autre — Dieu le fils — se laisse choir dans la matière. Nous allons voir tout à l’heure, entre ces deux Divinités séparées l’une de l’autre, s’établir des rapports continus de haut en bas et de bas en haut ; et ces rapports considérés comme un seul acte éternel et constant, constitueront le Saint-Esprit. Tel est, dans son véritable sens théologique et métapaysique, le grand, le terrible mystère de la Trinité chrîtienne.

Mais quittons au plus vite ces hauteurs, et voyons ce qui se passe sur la terre.

Dieu le père, voyant, du haut de sa splendeur éternelle, que le pauvre Dieu le fils, aplati, ahuri par sa chute, s’est tellement plongé et perdu daus la matière qu’arrêté à l’état humain il ne parvient pas à se retrouver, se décide à venir à son aide. Entre cette immense quantité de parcelles à la fois immortelles, divines et infiniment petites, dans lesquelles Dieu le fils s’est disséminé au point de ne pouvoir se reconnaître, Dieu le père choisit celles qui lui plaisent davantage, il y prend ses inspirés, ses prophètes, ses hommes de génie vertueux, les grands bienfaiteurs et législateurs de