Page:Bakounine - Dieu et l’État, 1892.djvu/83

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lité la plus complète et la plus remarquable à cause de sa faculté de concevoir, de concréter, de personnifier en quelque sorte, dans son existence sociale et privée, la loi universelle. Elle sait enfin, lorsqu’elle n’est pas viciée par le doctrinarisme théologique ou métaphysique, politique ou juridique, ou même par un étroit orgueil, lorsqu’elle n’est point sourde aux instincts et aux aspirations de la vie, elle sait, et c’est là son dernier mot, que le respect de l’homme est la loi suprême de l’Humanité et que le grand, le vrai but de l’histoire, le seul légitime, c’est l’humanisation et l’émancipation, c’est la liberté réelle, la prospérité de chaque individu vivant dans la société. Car, à moins de retomber dans les fictions liberticides du bien public représenté par l’État, fictions fondées toujours sur l’immolation systématique du peuple, il faut bien reconnaître que la liberté et la prospérité collectives n’existent qu’à la condition de représenter la somme des libertés et des prospérités individuelles.

La science sait toutes ces choses, mais elle ne va pas et ne peut aller au-delà. L’abstraction constituant sa nature même, elle peut bien concevoir le principe de l’individualité réelle et vivante, mais elle ne peut avoir rien à faire avec les individus réels et vivants. Elle s’occupe des individus, en général, mais non de Pierre ou de Jacques, mais non de tel ou tel, qui n’existent pas, qui ne peuvent exister pour elle. Ses individus, à elle, ne sont, encore une fois, que des abstractions.

Pourtant, ce ne sont pas des individualités abstraites, ce sont les individus agissant et vivant qui font l’histoire. Les abstractions ne marchent que portées par des hommes réels. Pour ces êtres pétris, non en idée seule-