Page:Bakounine - Dieu et l’État, 1892.djvu/88

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toire ? Ce serait injuste et ridicule. Les individus sont insaisissables par la pensée, par la réflexion, même par la parole humaine, qui n’est capable d’exprimer que des abstractions ; ils sont insaisissables dans le présent aussi bien que dans le passé. Donc la science sociale elle-même, la science de l’avenir, continuera forcément de les ignorer. Tout ce que nous avons le droit d’exiger d’elle, c’est qu’elle nous indique d’une main fidèle et sûre les causes générales des souffrances individuelles — et parmi ces causes, elle n’oubliera sans doute pas l’immolation et la subordination enccre trop fréquentes, hélas ! des individus vivants aux généralités abstraites : et en même temps elle nous montrera les conditions générales nécessaires à l’émancipation réelle des individus vivant dans la société. Voilà sa mission ; voilà aussi ses limites, au-delà desquelles l’action de la science sociale ne pourrait être qu’impuissante et funeste. Au-delà de ces limites commencent les prétentions doctrinaires et gouvernementales de ses représentants patentés, de ses prêtres. Il est temps d’en finir avec ces pontites, dussent-ils même se donner le nom de démocrates-socialistes.

Encore une fois, l’unique mission de la science, c’est d’éclairer la route. Mais, délivrée de toutes ses entraves gouvernementales et doctrinaires, et rendue à la plénitude de son action, la vie seule peut créer.


Comment résoudre cette antinomie ?

D’un côté la science est indispensable à l’organisation rationnelle de la société ; d’un autre côté, elle est incapable de s’intéresser à ce qui est réel et vivant.

Cette contradiction ne peut être résolue que d’une seule manière : il faut que la science ne reste plus en