Page:Bakounine - Dieu et l’État, 1892.djvu/93

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cette puissance d’abstraction qui constitue proprement dit la pensée.

L’expérience universelle[1] qui est l’unique origine, la source de toutes nos connaissances, nous démontre donc que toute intelligence est toujours attachée à un corps animal quelconque, et que l’intensité, la puissance de cette fonction animale dépendent de la perfection relative de l’organisme. Ce résultat de l’expérience universelle n’est pas applicable seulement aux différentes espèces animales ; nous le constatons également dans les hommes, dont la puissance intellectuelle et morale dépend d’une manière tellement évidente de la plus ou moins grande perfection de leur organisme comme race, comme nation, comme classe et comme individus, qu’il n’est pas nécessaire d’insister sur ce point.[2]

D’un autre côté, il est certain qu’aucun homme n’a

  1. Il faut bien distinguer l’expérience universelle, sur laquelle les idéalistes veulent appuyer leurs croyances ; la première est une constatation réelle de faits, la scconde n’est qu’une supposition de faits que personne n’a vus et qui par conséquent sont en contradiction avec l’expérience de tout le monde.
  2. Les idéalistes, tous ceux qui croient à l’immatérialité et à l’immortalité de l’âme humaine, doivent être excessivement embarrassés de la différence qui existe entre les intelligences des races, des peuples et des individus. À moins de supposer que les parcelles diverses ont été irrégulièrement distribuées, comment expliquer cette différence ? — Il y a malheureusement un nombre considérable d’hommes tout à fait stupides, bêtes jusqu’à l’idiotie. Auraient-ils donc reçu en partage une parcelle à la fois divine et stupider Pour sortir de cet embarras, les idéalistes devraient nécessairement supposer que toutes les âmes humaines sont égales, mais que les prisons dans lesquelles elles se trouvent nécessairement enfermées, les corps humains, sont inégales, les unes plus capables que les autres de servir d’organe à l’intellectualité pure de l’âme. Celle-ci aurait de cette façon à sa disposition des organes très fins, cette autre des organes très grossiers. Mais ce sont là des distinctions dont l’idéalisme n’a pas le droit de se servir, sans tomber lui-même dans l’inconséquence et dans le matérialisme le plus grossier. Car devant l’absolue immatérialité de l’âme, toutes différences les cor-