Page:Bakounine - Dieu et l’État, 1892.djvu/95

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le monde extérieur, poussé par cet aïguillon intérieur qui s’appelle la vie, et les multiples besoins de celle-ci, crée une quantité d’imaginations, de notions et d’idées nécessairement très imparfaites d’abord, très peu conformes à la réalité des choses et des faits qu’elles s’efforcent d’exprimer. N’ayant pas encore la conscience de sa propre action intelligente, ne sachant pas encore qu’il a produit lui-même et continue de produire ces imaginations, ces notions, ces idées, ignorant leur origine toute subjective, c’est-à-dire humaine, il doit naturellement les considérer comme des êtres objectifs, comme des êtres réels tout-à-fait indépendants de lui, existant par eux-mêmes et en eux-mêmes.

C’est ainsi que les peuples primitifs, émergeant lentement de leur innocence animale, ont créé leurs dieux. Les ayant créés, ne se doutant pas qu’ils en furent les créateurs uniques, ils les ont adorés ; les considérant comme des êtres réels infiniment supérieurs à eux-mêmes, ils leur ont attribué la toute puissance et se sont reconnus leurs créatures, leurs esclaves. À mesure que les idées humaines se développent, les dieux, qui n’ont jamais été que la révélation fantastique, idéale, poétique de l’image renversée, s’idéalisent aussi. D’abord fétiches grossiers, ils deviennent peu à peu des esprits purs, existant en dehors du monde visible, et enfin, pendant le cours de l’histoire, ils finissent par se confondre en un seul être divin, Esprit pur, éternel, absolu, créateur et maître des mondes.

Dans tout développement juste ou faux, réel ou imaginaire, collectif ou individuel, c’est toujours le premier pas qui coûte, le premier acte qui est le plus difficile. Une fois le pas franchi, le reste se déroule naturelle-