Page:Bakounine - Dieu et l’État, 1892.djvu/96

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ment comme une conséquence nécessaire.

Ce qui était difficile dans le développement historique de cette terrible folie religieuse qui continue de nous obséder, c’était de poser un monde divin tel quel, en dehors du monde réel. Ce premier acte de folie, si naturel au point de vue physiologique et par conséquent nécessaire dans l’histoire de l’humanité, ne s’accomplit pas d’un seul coup. Il a fallu je ne sais combien de siècles pour développer et pour faire pénétrer cette croyance dans les habitudes sociales des hommes. Mais, une fois établie, elle est devenue toute-puissante, comme le devient nécessairement la folie, s’emparant du cerveau de l’homme. Prenez un fou, quel que soit l’objet de sa folie, vous trouverez que l’idée obscure et fixe qui l’obsède lui paraît la plus naturelle du monde, et qu’au contraire, les choses de la réalité qui sont en contradiction avec cette idée, lui semblent des folies ridicules et odieuses. Eh bien ! la religion est une folie collective d’autant plus puissante qu’elle est traditionnelle et que son origine se perd dans l’antiquité la plus reculée. Comme folie collective, elle a pénétré jusqu’au fond l’existence publique et privée des peuples ; elle s’est incarnée dans la société, elle en est devenue pour ainsi dire l’âme et la pensée. Tout homme en est euveloppé dès sa naissance ; il la suce avec le lait de sa mère, l’absorbe avec tout ce qu’il touche, tout ce qu’il voit. Il en a été si bien nourri, empoisonné, pénétré dans tout son être que, plus tard, si puissant que soit son esprit naturel, il a besoin de faire des efforts inouïs pour s’en délivrer, et encore n’y parvient-il jamais d’une manière complète. Nos idéalistes modernes en sont une preuve et nos matérialistes doctrinaires, les conserva-