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REINE D’ARBIEUX

Et avec un soupir qui en disait long sur les dangers auxquels sa cousine était exposée :

— Le jour où vous aurez passé la main à un mari, Elisa, vous serez tranquille.

— Je vais lui parler dès ce soir, dit la vieille dame, qui s’était levée. Vous êtes bien heureux, Alban, vos filles ne vous donnent pas tant de soucis… Ce sont des esprits posés, raisonnables. Si vous revoyez M. Sourbets, dites-lui d’attendre jusqu’à dimanche… Au plus tard dimanche, rectifia-t-elle d’un ton assuré.

Il fallait environ vingt minutes à Mme Fondespan pour revenir en coupé de Bazas à La Font-de-Bonne. Ce jour-là, elle n’eut même pas conscience du temps. Des pensées violentes l’agitaient. Elle croyait entendre la voix de Reine, brisée, suppliante : « Je ne veux pas me marier. » Prétexte, pensait-elle, en se reprochant de n’avoir pas fait assez bonne garde. C’était de Régis qu’elle aurait dû se méfier. Du moins n’avait-il écrit qu’une fois sur carte postale, et la petite, à sa connaissance, ne lui avait pas répondu. Il y avait entre eux un mystère dont elle ne voulait rien savoir. Tout cela n’était qu’enfantillages. Elle ne s’en occuperait même pas. Elle ferait son devoir. La décision qu’elle avait prise d’en terminer tout de suite par un acte d’autorité, et la pensée de triompher dans cette affaire délicate aux yeux de toute la ville, qui ne manquerait pas de la féliciter, de l’envier peut-être, fit monter une bouffée de chaleur à ses joues flétries.