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18 PRÉFACE

rechercher avant tout la tendance dans une œuvre d’art, trop entier et partant intransigeant comme tout homme et tout peuple jeunes, devient volontiers des- potique comme la censure elle-même. Et il exigera de l'auteur les tendances en vogue, les idées réputées pro- gressistes, — tout le reste étant à l'index. Cette recherche des idées avant toute chose, doit alors aller au mépris même de la forme. Un auteur assez connu ne préten- dait-il point, en conversations privées, « qu’un livre n’étant pas une prostituée, il n’a pas besoin d’orne- ments ».

Cet esprit utilitaire dont la poésie devait surtout se mal trouver, envahit la littérature russe dans la seconde moitié du XIXe siècle qui, pour commencer, avait été, en superbe éclosion, l’époque du grand Pouchkine. Dans cette seconde période la Russie compte peu de poètes, — c’est le règne des grands romanciers : Tourguéneff, Tolstoï, Dostoïewsky. Deux seuls poètes d’une va- leur incontestable, à cette époque : Tutcheff et Fête, le premier passant inaperçu, l’autre vilipendé par la critique pour son manque de civisme. Cet autre était précisément le fin et l’élégant Fête, que Tourguéneff qualifiait de « poète des poètes ». C’est le seul Nécras-

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