Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/363

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par un monde de petites causes qui tiennent à tout. Le savant est obligé de déblayer les masses d’une avalanche, sous laquelle ont péri des villages, pour vous montrer les cailloux détachés d’une cime qui ont déterminé la formation de cette montagne de neige. S’il ne s’agissait ici que d’un suicide, il y en a cinq cents par an, dans Paris, ce mélodrame est devenu vulgaire, et chacun peut en trouver lui-même les raisons ; mais à qui ferait-on croire que le suicide de la Propriété soit jamais arrivé par un temps où la fortune semble plus précieuse que la vie ? De re vestrâ agitur, dirait un fabuliste, il s’agit ici des affaires de tous ceux qui possèdent quelque chose.

Enfin, songez que cette ligue de tout un canton et d’une petite ville contre un vieux général échappé malgré son courage aux dangers de mille combats, s’est dressée en plus d’un département contre des hommes qui voulaient y faire le bien. Cette coalition menace incessamment l’homme de génie, le grand politique, le grand agronome, tous les novateurs.

Cette dernière explication, politique pour ainsi dire, et qui rend aux personnages du drame leur vraie physionomie, au plus petit détail sa gravité, jettera de vives lumières sur cette Scène, où sont en jeu tous les intérêts sociaux des campagnes.


X. Mélancolie d’une femme heureuse

Au moment où le général montait en calèche pour aller à la Préfecture, la comtesse arrivait à la porte d’Avonne, où, depuis dix-huit mois, le ménage de Michaud et d’Olympe était définitivement installé.

Quelqu’un qui se serait rappelé le pavillon, comme il est décrit plus haut, l’aurait cru rebâti. D’abord, les briques tombées ou mordues par le temps, le ciment qui manquait dans les joints, avaient été remplacés. L’ardoise nettoyée rendait au faîte sa gaîté, en rendant à l’architecture l’effet des balustres découpés en blanc sur ce fond bleuâtre. Les abords désobstrués et sablés étaient soignés par l’homme chargé d’entretenir les allées du parc. Les encadrements des croisées, les corniches, enfin toute la pierre travaillée ayant été restaurée, l’extérieur de ce monument avait repris son ancien lustre. La basse-cour, les écuries, l’étable reportées dans les bâtiments de la Faisanderie et cachées par des massifs, au lieu d’attrister le regard par leurs inconvénients, mêlaient au continuel