Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 19.djvu/120

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ques qui, depuis bientôt vingt ans, demandaient des comédies dans la forme italienne, espagnole ou anglaise : on en essaye une ; et tous aiment mieux oublier ce qu’ils ont dit depuis vingt ans plutôt que de manquer à étouffer un homme assez hardi pour s’aventurer dans une voie si féconde, et que son ancienneté rend aujourd’hui presque nouvelle.

N’oublions pas de rappeler, à la honte de notre époque, le hourra d’improbations par lequel fut accueilli le titre de duc de Neptunado, cherché par Philippe II pour l’inventeur, hourra auquel les lecteurs instruits refuseront de croire, mais qui fut tel, que les acteurs, en gens intelligents, retranchèrent ce titre dans le reste de la pièce. Ce hourra fut poussé par des spectateurs qui, tous les matins, lisent dans les journaux le titre de duc de la Victoire, donné à Espartero, et qui ne pouvaient pas ignorer le titre de prince de la Paix, donné au dernier favori de l’avant-dernier roi d’Espagne. Comment prévoir une pareille ignorance ? Qui ne sait que la plupart des titres espagnols, surtout au temps de Charles-Quint et de Philippe II, rappellent la circonstance à laquelle ils furent dus.

Orendayes prit le titre de la Pes, pour avoir signé le traité de 1725.

Un amiral prit celui de Transport-Real, pour avoir conduit l’Infant en Italie.

Navarro prit celui de la Vittoria après le combat naval de Toulon, quoique la victoire eût été indécise.

Ces exemples, et tant d’autres, sont surpassés par le fameux ministre des finances, négociant parvenu, qui prit le titre de marquis de Rien-en-Soi (l’Ensenada).

En produisant une œuvre faite avec toutes les libertés des vieux théâtres français et espagnol, l’auteur s’est permis une tentative appelée par les vœux de plus d’un organe de l’opinion publique et de tous ceux qui assistent aux premières représentations : il a voulu convoquer un vrai public, et faire représenter la pièce devant une salle pleine de spectateurs payants. L’insuccès de cette épreuve a été si bien constaté par tous les journaux, que la nécessité des claqueurs en reste à jamais démontrée.

L’auteur était entre ce dilemme, que lui posaient les personnes expertes en cette matière : introduire douze cents spectateurs non payants, le succès ainsi obtenu sera nié ; faire payer leur place à douze cents spectateurs, c’est rendre le succès presque impossible. L’auteur a préféré le péril. Telle est la raison de cette première représentation, où tant de personnes ont été mécontentes d’avoir été élevées à la dignité de juges indépendants.

L’auteur rentrera donc dans l’ornière honteuse et ignoble que tant d’abus ont creusée aux succès dramatiques ; mais il n’est pas inutile de dire ici que la première représentation des Ressources de Quinola fut ainsi donnée au bénéfice des cla-