Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/223

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— Cette fille ?… reprit le comte avec un accent de reproche. Madame, c’est à l’auteur du mal à le réparer, et je vous donne ma parole d’honneur qu’elle est bien réellement la fille du duc de Verneuil.

— Monsieur le comte, dit le marquis d’une voix profondément altérée, laquelle de vos deux paroles croire, celle de la Vivetière ou celle de Saint-James ?

Une voix éclatante annonça mademoiselle de Verneuil. Le comte s’élança vers la porte, offrit la main à la belle inconnue avec les marques du plus profond respect ; et, la présentant à travers la foule curieuse au marquis et à madame du Gua : — Ne croire que celle d’aujourd’hui, répondit-il au jeune chef stupéfait.

Madame du Gua pâlit à l’aspect de cette malencontreuse fille, qui resta debout un moment en jetant des regards orgueilleux sur cette assemblée où elle chercha les convives de la Vivetière. Elle attendit la salutation forcée de sa rivale, et, sans regarder le marquis, se laissa conduire à une place d’honneur par le comte qui la fit asseoir près de madame du Gua, à laquelle elle rendit un léger salut de protection, mais qui, par un instinct de femme, ne s’en fâcha point et prit aussitôt un air riant et amical. La mise extraordinaire et la beauté de mademoiselle de Verneuil excitèrent un moment les murmures de l’assemblée. Lorsque le marquis et madame du Gua tournèrent leurs regards sur les convives de la Vivetière, ils les trouvèrent dans une attitude de respect qui ne paraissait pas être jouée, chacun d’eux semblait chercher les moyens de rentrer en grâce auprès de la jeune Parisiennne méconnue. Les ennemis étaient donc en présence.

— Mais c’est une magie, mademoiselle ! Il n’y a que vous au monde pour surprendre ainsi les gens. Comment, venir toute seule ? disait madame du Gua.

— Toute seule, répéta mademoiselle de Verneuil ; ainsi, madame, vous n’aurez que moi, ce soir, a tuer.

— Soyez indulgente, reprit madame du Gua. Je ne puis vous exprimer combien j’éprouve de plaisir à vous revoir. Vraiment j’étais accablée par le souvenir de mes torts envers vous, et je cherchais une occasion qui me permît de les réparer.

— Quant à vos torts, madame, je vous pardonne facilement ceux que vous avez eus envers moi ; mais j’ai sur le cœur la mort des Bleus que vous avez assassinés. Je pourrais peut-être encore