Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/322

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tions. Quand Genestas eut fait quelques pas de plus, il vit en haut de la montagne une large rue qui domine ce village. Il existait sans doute un vieux et un nouveau bourg. En effet, par une échappée de vue, et dans un endroit où le commandant modéra le pas de son cheval, il put facilement examiner des maisons bien bâties dont les toits neufs égaient l’ancien village. Dans ces habitations nouvelles que couronne une avenue de jeunes arbres, il entendit les chants particuliers aux ouvriers occupés, le murmure de quelques ateliers, un grognement de limes, le bruit des marteaux, les cris confus de plusieurs industries. Il remarqua la maigre fumée des cheminées ménagères et celle plus abondante des forges du charron, du serrurier, du maréchal. Enfin, à l’extrémité du village vers laquelle son guide le dirigeait, Genestas aperçut des fermes éparses, des champs bien cultivés, des plantations parfaitement entendues, et comme un petit coin de la Brie perdu dans un vaste pli du terrain dont, à la première vue, il n’eût pas soupçonné l’existence entre le bourg et les montagnes qui terminent le pays. Bientôt l’enfant s’arrêta. — Voilà la porte de sa maison, dit-il. L’officier descendit de cheval, en passa la bride dans son bras ; puis, pensant que toute peine mérite salaire, il tira quelques sous de son gousset et les offrit à l’enfant qui les prit d’un air étonné, ouvrit de grands yeux, ne remercia pas, et resta là pour voir. — En cet endroit la civilisation est peu avancée, les religions du travail y sont en pleine vigueur, et la mendicité n’y a pas encore pénétré, pensa Genestas. Plus curieux qu’intéressé, le guide du militaire s’accota sur un mur à hauteur d’appui qui sert à clore la cour de la maison, et dans lequel est fixée une grille en bois noirci, de chaque côté des pilastres de la porte.

Cette porte, pleine dans sa partie inférieure et jadis peinte en gris, est terminée par des barreaux jaunes taillés en fer de lance. Ces ornements, dont la couleur a passé, décrivent un croissant dans le haut de chaque vantail, et se réunissent en formant une grosse pomme de pin figurée par le haut des montants quand la porte est fermée. Ce portail, rongé par les vers, tacheté par le velours des mousses, est presque détruit par l’action alternative du soleil et de la pluie. Surmontés de quelques aloès et de pariétaires venues au hasard, les pilastres cachent les tiges de deux acacias inermis plantés dans la cour, et dont les touffes vertes s’élèvent en forme de houppes à poudrer. L’état de ce portail trahissait chez le