Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/343

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui a deux lieues de pays environ, les habitants en avaient si bien reconnu les avantages, que le dernier tiers s’activa avec une ardeur qui me surprit. J’enrichis l’avenir de la Commune en plantant une double rangée de peupliers le long de chaque fossé latéral. Aujourd’hui ces arbres sont déjà presque une fortune, et donnent l’aspect d’une route royale à notre chemin, toujours sec par la nature de sa situation, et si bien confectionné d’ailleurs, qu’il coûte à peine deux-cents francs d’entretien par an ; je vous le montrerai, car vous n’avez pu le voir : pour venir, vous avez sans doute pris le joli chemin du bas, une autre route que les habitants ont voulu faire eux-mêmes, il y a trois ans, afin d’ouvrir des communications aux établissements qui se formaient alors dans la vallée. Ainsi, monsieur, il y a trois ans, le bon sens public de ce bourg, naguère sans intelligence, avait acquis les idées que cinq ans auparavant un voyageur aurait peut-être désespéré de pouvoir lui inculquer. Poursuivons. L’établissement de mon vannier était un exemple donné fructueusement à cette pauvre population. Si le chemin devait être la cause la plus directe de la prospérité future du bourg, il fallait exciter toutes les industries premières afin de féconder ces deux germes de bien-être. Tout en aidant le planteur d’oseraies et le faiseur de paniers, tout en construisant ma route, je continuais insensiblement mon œuvre. J’eus deux chevaux, le marchand de bois, mon adjoint, en avait trois, il ne pouvait les faire ferrer qu’à Grenoble quand il y allait, j’engageai donc un maréchal-ferrant, qui connaissait un peu l’art vétérinaire, à venir ici en lui promettant beaucoup d’ouvrage. Je rencontrai le même jour un vieux soldat assez embarrassé de son sort qui possédait pour tout bien cent francs de retraite, qui savait lire et écrire ; je lui donnai la place de secrétaire de la mairie ; par un heureux hasard, je lui trouvai une femme, et ses rêves de bonheur furent accomplis. Monsieur, il fallut des maisons à ces deux nouveaux ménages, à celui de mon vannier et aux vingt-deux familles qui abandonnèrent le village des crétins. Douze autres ménages dont les chefs étaient travailleurs, producteurs et consommateurs vinrent donc s’établir ici : maçons, charpentiers, couvreurs, menuisiers, serruriers, vitriers qui eurent de la besogne pour long-temps ; ne devaient-ils pas se construire leurs maisons après avoir bâti celles des autres ? n’amenaient-ils pas des ouvriers avec eux ? Pendant la seconde année de mon administration, soixante-dix maisons s’éle-