Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/474

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rer à certains jours. Enfin, monsieur, solitaire au milieu de Paris, ne pouvant rien trouver dans le monde, qui ne me rendait rien quand je lui livrais tout ; n’ayant pas assez de mon enfant pour satisfaire mon cœur, parce que j’étais homme ; un jour où je sentis ma vie se refroidir, où je pliai sous le fardeau de mes misères secrètes, je rencontrai la femme qui devait me faire connaître l’amour dans sa violence, les respects pour un amour avoué, l’amour avec ses fécondes espérances de bonheur, enfin l’amour ! J’avais renoué connaissance avec le vieil ami de mon père, qui jadis prenait soin de mes intérêts ; ce fut chez lui que je vis la jeune personne pour laquelle je ressentis un amour qui devait durer autant que ma vie. Plus l’homme vieillit, monsieur, plus il reconnaît la prodigieuse influence des idées sur les événements. Des préjugés fort respectables, engendrés par de nobles idées religieuses, furent la cause de mon malheur. Cette jeune fille appartenait à une famille extrêmement pieuse dont les opinions catholiques étaient dues à l’esprit d’une secte improprement appelée janséniste, et qui causa jadis des troubles en France ; vous savez pourquoi ?

— Non, dit Genestas.

— Jansénius, évêque d’Ypres, fit un livre où l’on crut trouver des propositions en désaccord avec les doctrines du Saint-Siége. Plus tard les propositions textuelles ne semblèrent plus offrir d’hérésie, quelques auteurs allèrent même jusqu’à nier l’existence matérielle des maximes. Ces débats insignifiants firent naître dans l’Église gallicane deux partis, celui des jansénistes, et celui des jésuites. Des deux côtés se rencontrèrent de grands hommes. Ce fut une lutte entre deux corps puissants. Les jansénistes accusèrent les jésuites de professer une morale trop relâchée, et affectèrent une excessive pureté de mœurs et de principes ; les jansénistes furent donc en France des espèces de puritains catholiques, si toutefois ces deux mots peuvent s’allier. Pendant la Révolution française il se forma, par suite du schisme peu important qu’y produisit le Concordat, une congrégation de catholiques purs qui ne reconnurent pas les évêques institués par le pouvoir révolutionnaire et par les transactions du pape. Ce troupeau de fidèles forma ce que l’on nomme la petite Église dont les ouailles professèrent, comme les jansénistes, cette exemplaire régularité de vie, qui semble être une loi nécessaire à l’existence de toutes les sectes proscrites et persécutées. Plusieurs familles jansénistes appartenaient à la petite