Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/475

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Église. Les parents de cette jeune fille avaient embrassé ces deux puritanismes également sévères qui donnent au caractère et à la physionomie quelque chose d’imposant ; car le propre des doctrines absolues est d’agrandir les plus simples actions en les rattachant à la vie future ; de là cette magnifique et suave pureté du cœur, ce respect des autres et de soi ; de là je ne sais quel chatouilleux sentiment du juste et de l’injuste ; puis une grande charité, mais aussi l’équité stricte, et pour tout dire implacable ; enfin une profonde horreur pour les vices, surtout pour le mensonge qui les comprend tous. Je ne me souviens pas d’avoir connu de moments plus délicieux que ceux pendant lesquels j’admirai pour la première fois, chez mon vieil ami, la jeune fille vraie, timide, façonnée à toutes les obéissances, en qui éclataient toutes les vertus particulières à cette secte, sans qu’elle en témoignât néanmoins aucun orgueil. Sa taille souple et déliée donnait à ses mouvements une grâce que son rigorisme ne pouvait atténuer ; la coupe de son visage avait les distinctions, et ses traits avaient la finesse d’une jeune personne appartenant à une famille noble ; son regard était à la fois doux et fier, son front était calme ; puis sur sa tête s’élevaient des cheveux abondants, simplement nattés qui lui servaient à son insu de parure. Enfin, capitaine, elle m’offrit le type d’une perfection que nous trouvons toujours dans la femme de qui nous sommes épris ; pour l’aimer, ne faut-il pas rencontrer en elle les caractères de cette beauté rêvée qui concorde à nos idées particulières ? Quand je lui adressai la parole, elle me répondit simplement, sans empressement ni fausse honte, en ignorant le plaisir que causaient les harmonies de son organe et de ses dons extérieurs. Tous ces anges ont les mêmes signes auxquels le cœur les reconnaît : même douceur de voix, même tendresse dans le regard, même blancheur de teint, quelque chose de joli dans les gestes. Ces qualités s’harmonient, se fondent et s’accordent pour charmer sans qu’on puisse saisir en quoi consiste le charme. Une âme divine s’exhale par tous les mouvements. J’aimai passionnément. Cet amour réveilla, satisfit les sentiments qui m’agitaient : ambition, fortune, tous mes rêves, enfin ! Belle, noble, riche et bien élevée, cette jeune fille possédait les avantages que le monde exige arbitrairement d’une femme placée dans la haute position où je voulais arriver ; instruite, elle s’exprimait avec cette spirituelle éloquence à la fois rare et commune en France, où chez beaucoup de femmes, les plus