Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/589

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ormes dont la plantation fut ordonnée par le protestant Sully. Cette église, une des plus pauvres églises de France où il y en a de bien pauvres, ressemblait à ces énormes granges qui ont au-dessus de leur porte un toit avancé soutenu par des piliers de bois ou de briques. Bâtie en cailloux et en mortier, comme la maison du curé, flanquée d’un clocher carré sans flèche et couvert en grosses tuiles rondes, cette église avait pour ornements extérieurs les plus riches créations de la Sculpture, mais enrichies de lumière et d’ombres, fouillées, massées et colorées par la Nature qui s’y entend aussi bien que Michel-Ange. Des deux côtés, le lierre embrassait les murailles de ses tiges nerveuses en dessinant à travers son feuillage autant de veines qu’il s’en trouve sur un écorché. Ce manteau, jeté par le Temps pour couvrir les blessures qu’il avait faites, était diapré par les fleurs d’automne nées dans les crevasses, et donnait asile à des oiseaux qui chantaient. La fenêtre en rosace, au-dessus de l’auvent du porche, était enveloppée de campanules bleues comme la première page d’un missel richement peint. Le flanc qui communiquait avec la cure, à l’exposition du nord, était moins fleuri, la muraille s’y voyait grise et rouge par grandes places où s’étalaient des mousses ; mais l’autre flanc et le chevet entourés par le cimetière offraient des floraisons abondantes et variées. Quelques arbres, entre autres un amandier, un des emblèmes de l’espérance, s’étaient logés dans les lézardes. Deux pins gigantesques adossés au chevet servaient de paratonnerres. Le cimetière, bordé d’un petit mur en ruine que ses propres décombres maintenaient à hauteur d’appui, avait pour ornement une croix en fer montée sur un socle, garnie de buis bénit à Pâques par une de ces touchantes pensées chrétiennes oubliées dans les villes. Le curé de village est le seul prêtre qui vienne dire à ses morts au jour de la résurrection pascale : — Vous revivrez heureux ! Çà et là quelques croix pourries jalonnaient les éminences couvertes d’herbes.

L’intérieur s’harmoniait parfaitement au négligé poétique de cet humble extérieur dont le luxe était fourni par le Temps, charitable une fois. Au dedans, l’œil s’attachait d’abord à la toiture, intérieurement doublée en châtaignier auquel l’âge avait donné les plus riches tons des vieux bois de l’Europe, et que soutenaient, à des distances égales, de nerveux supports appuyés sur des poutres transversales. Les quatre murs blanchis à la chaux n’avaient aucun ornement. La misère rendait cette paroisse iconoclaste sans le savoir. L’église,