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Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 8.djvu/193

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d’une école morale et politique sur le mérite de laquelle le temps seul pourra prononcer. Si ses convictions lui ont fait une destinée en des régions étrangères à celles où ses camarades se sont élancés, il n’en est pas moins resté leur fidèle ami. L’Art était représenté par Joseph Bridau, l’un des meilleurs peintres de la jeune École. Sans les malheurs secrets auxquels le condamne une nature trop impressionnable, Joseph, dont le dernier mot n’est d’ailleurs pas dit, aurait pu continuer les grands maîtres de l’école italienne : il a le dessin de Rome et la couleur de Venise ; mais l’amour le tue et ne traverse pas que son cœur : l’amour lui lance ses flèches dans le cerveau, lui dérange sa vie et lui fait faire les plus étranges zigzags. Si sa maîtresse éphémère le rend ou trop heureux ou trop misérable, Joseph enverra pour l’exposition tantôt des esquisses où la couleur empâte le dessin, tantôt des tableaux qu’il a voulu finir sous le poids de chagrins imaginaires, et où le dessin l’a si bien préoccupé que la couleur, dont il dispose à son gré, ne s’y retrouve pas. Il trompe incessamment et le public et ses amis. Hoffmann l’eût adoré pour ses pointes poussées avec hardiesse dans le champ des Arts, pour ses caprices, pour sa fantaisie. Quand il est complet, il excite l’admiration, il la savoure, et s’effarouche alors de ne plus recevoir d’éloges pour les œuvres manquées où les yeux de son âme voient tout ce qui est absent pour l’œil du public. Fantasque au suprême degré, ses amis lui ont vu détruire un tableau achevé auquel il trouvait l’air trop peigné. — C’est trop fait, disait-il, c’est trop écolier. Original et sublime parfois, il a tous les malheurs et toutes les félicités des organisations nerveuses, chez lesquelles la perfection tourne en maladie. Son esprit est frère de celui de Sterne, mais sans le travail littéraire. Ses mots, ses jets de pensée ont une saveur inouïe. Il est éloquent et sait aimer, mais avec ses caprices, qu’il porte dans les sentiments comme dans son faire. Il était cher au Cénacle précisément à cause de ce que le monde bourgeois eût appelé ses défauts. Enfin Fulgence Ridal, l’un des auteurs de notre temps qui ont le plus de verve comique, un poète insouciant de gloire, ne jetant sur le théâtre que ses productions les plus vulgaires, et gardant dans le sérail de son cerveau, pour lui, pour ses amis, les plus jolies scènes ; ne demandant au public que l’argent nécessaire à son indépendance, et ne voulant plus rien faire dès qu’il l’aura obtenu. Paresseux et fécond comme Rossini, obligé, comme les grands poètes comiques, comme