Aller au contenu

Page:Balzac - Œuvres complètes Tome 5 (1855).djvu/97

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
94
II. LIVRE, SCÈNES DE LA VIE DE PROVINCE.

— Enfin soyez une Kergarouët aimable ; venez quand il sera seul, il ne vous prêtera qu’à trois et demi, peut-être à trois pour cent, et vous rendra service avec délicatesse, vous en serez contente ; il ira délivrer lui-même Savinien, car il sera forcé de vendre des rentes, et vous le ramènera.

— Vous parlez donc de ce petit Minoret ?

— Ce petit a quatre-vingt-trois ans, reprit l’abbé Chaperon en souriant. Ma chère dame ayez un peu de charité chrétienne, ne le blessez pas, il peut vous être utile de plus d’une manière.

— Et comment ?

— Mais il a un ange auprès de lui, la plus céleste jeune fille.

— Oui, cette petite Ursule… Eh ! bien, après ?

Le pauvre curé n’osa poursuivre en entendant cet : Eh ! bien, après ? dont la sécheresse et l’âpreté tranchaient d’avance la proposition qu’il voulait faire.

— Je crois le docteur Minoret puissamment riche…

— Tant mieux pour lui.

— Vous avez déjà très indirectement causé les malheurs actuels de votre fils en ne lui donnant pas de carrière, prenez garde à l’avenir ! dit sévèrement le curé. Dois-je annoncer votre visite à votre voisin ?

— Mais pourquoi, sachant que j’ai besoin de lui, ne viendrait-il pas ?

— Ah ! madame, en allant chez lui, vous payerez trois pour cent ; et s’il vient chez vous, vous payerez cinq, dit le curé qui trouva cette belle raison afin de décider la vieille dame. Et si vous étiez forcée de vendre votre ferme par Dionis le notaire, par le greffier Massin, qui vous refuseraient des fonds en espérant profiter de votre désastre, vous perdriez la moitié de la valeur des Bordières. Je n’ai pas la moindre influence sur des Dionis, des Massin, des Levrault, les gens riches du pays qui convoitent votre ferme et savent votre fils en prison.

— Ils le savent, ils le savent, s’écria-t-elle en levant les bras. Oh ! mon pauvre curé, vous avez laissé refroidir votre café… Tiennette ! Tiennette !

Tiennette, une vieille Bretonne à casaquin et à bonnet breton, âgée de soixante ans, entra lestement et prit, pour le faire chauffer, le café du curé.

— Soyez paisible, monsieur le recteur, dit-elle en voyant que le