espoir de surnager jamais, jusqu’au plus profond de la fange sociale ; c’était un caractère trop léger pour se relever d’une pareille chute…
— Nous savons cela, dit Franchessini, interrompant avec une certaine vivacité : un autre homme d’un caractère de fer, qui était son ami, voulut prendre sur lui la faute, passa plusieurs années à Toulon, soutint ensuite contre la société une lutte enragée de près de vingt ans, et cet homme, aujourd’hui devenu un haut fonctionnaire, envoie très savamment les autres au lieu d’où il a su, lui, revenir et se relever.
— Eh bien ! dit Vautrin, puisque tu as si bonne mémoire, ce service ne vaut-il pas bien qu’on sacrifie à l’homme qui l’a rendu, le billet parfumé d’une femmelette ?
— Non, quand l’usage que tu veux faire de ce billet et les conséquences que pourrait avoir ma complaisance, sont hors de toute proportion avec le tort dont tu crois avoir à te plaindre.
— Ah ! tu sais ce que m’a fait Rastignac, il te l’a dit ?
— Il t’a promis une position ; il te la tient un peu à hauteur, et aussitôt tu veux tout mettre à feu et à sang : que diable ! mon cher, tu as un amour-propre infernal. Prends un peu patience, je saurai bien finir par t’amener, sans la violence que tu médites, au résultat désiré.
— C’est merveilleux, répliqua Vautrin ; monsieur est repu ; qui donc autour de lui se permettrait d’avoir faim ? Monsieur, de récidive en récidive, en aurait eu peut-être pour toute sa vie du séjour de Brest ; au lieu de cela, il habite un somptueux hôtel, est membre de la représentation nationale, convoite les femmes des ministres ; et il y a des gens à cervelle assez étroite pour ne pas s’apercevoir que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ! arrière, vile canaille, avec vos prétentions à une place au soleil, ou le fouet de poste de M. le comte de Rastignac, voilà qui vous répondra !
— Tu exagères tout, dit Franchessini, et me prêtes des sentiments qui n’ont jamais été les miens. Tu sais bien que je suis prêt à tout faire pour m’acquitter avec toi ; mais demande des choses raisonnables, mon sang, ma fortune ; mais ne me demande pas une vilenie.