Page:Balzac - La Famille Beauvisage.djvu/131

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à me la faire croire écrite de cet endroit, je reste confondu de l’infatigable ardeur de ce zèle qui n’a jamais eu qu’en lui-même sa récompense. Quel malheur qu’en cette dernière rencontre, lorsque vous fut soumise l’idée de ce funeste mariage auquel ma mère se résignait dans ce qu’elle croyait mon intérêt, vous n’ayez pas enfin relevé la tête. Certes, vous aviez bien alors le droit de faire remarquer qu’après tant de sacrifices et de services rendus, l’heure était enfin venue de réclamer votre récompense ; au lieu de cela, vous vous êtes, comme toujours, effacé, et le malheur est venu de là !

» Du reste, la Providence n’avait pas béni cette pensée ambitieuse que ma pauvre mère nourrissait pour moi, et tout l’enchaînement des circonstances, dans cette triste affaire, indique clairement que déjà Dieu avait disposé lorsque nous proposions.

» La disparition subite du docteur Francia, que l’on a trouvé mort un matin dans les appartements intérieurs de son palais, au moment où, pour nous, il eût été si nécessaire qu’il vécût ; un intérêt politique que la France avait à Montevideo, conduisant M. de Trailles dans ces parages lointains, où il y avait si peu de probabilité qu’il dût se rencontrer avec le vieux marquis ; notre ennemi mis ainsi sur la voie de cette correspondance que vous gardiez par-devers vous, tout en comprenant le danger de ne pas la détruire, ne sont-ce pas là autant de coups annonçant l’intervention d’une volonté supérieure à toute notre sagesse et à toutes nos habiletés ?

» Aussi, quelle que soit la hauteur dont je suis tombé, me voyez-vous merveilleusement résigné à ma chute, et, sans le souci qui me reste de ma mère, je serais, je puis vous l’affirmer, bien près de croire qu’au fond de ce grand échec, il y a une véritable faveur de mon étoile.

» Malheureusement, après tant d’années de séparation, les décrets d’en haut semblent encore vouloir reculer le moment où il me sera donné d’embrasser celle à qui je dois la vie.

» La faveur dans laquelle elle était auprès du docteur Francia, et peut-être quelque chose qui a pu être deviné de ses desseins, l’ont mise en suspicion, et le gouvernement actuel du Paraguay la retient, à ce qu’on croit, dans