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Page:Balzac - La Famille Beauvisage.djvu/180

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» — Qu’a donc à me reprocher ma diva ? dit alors le vieux duc en baisant galamment la main de la Luigia.

» — C’est une honte, répondit-elle, que, depuis plus de six mois, l’affaire qui intéresse l’ami auquel vous devez ce beau présent, n’ait pas pu, par votre crédit, obtenir un dénoûment.

» — Vous avez raison, s’écria le duc d’Almada : mon neveu le ministre est un drôle, un bon à rien ; mais de ce pas je m’en vais le chapitrer, parler à l’empereur, et faire, s’il le faut, déclarer la guerre à l’État du Paraguay pour que nous sortions enfin de notre incertitude.

» La vérité est que le digne homme s’est donné de nouveau des mouvements immenses, et que, chauffée par lui, toute la diplomatie du cabinet brésilien s’est employée à obtenir la liberté de ma mère. Mais tout ce que nous avons gagné, c’est d’acquérir enfin la triste assurance que, pour bien longtemps du moins, nous ne devions garder aucune espérance de réussir. « Le gouvernement actuel du Paraguay, nous a-t-on enfin catégoriquement répondu, est depuis trop peu de temps installé pour qu’il puisse penser à se relâcher d’aucune des précautions jugées utiles à l’égard des étrangers. Dans quelques années on pourra voir à faire ce que demande si ardemment Sa Majesté l’empereur du Brésil. Jusque-là, il peut être assuré que sa protégée, tout en demeurant à Tevego, qui lui a été assigné pour lieu de sa résidence, sera entourée de tous les égards qui peuvent être désirés pour elle. »

» J’ai vu de mes yeux, cher ami, cette désolante réponse que le ministre des affaires étrangères a bien voulu me communiquer en original. Ainsi, ma mère est bien effectivement à Tevego, et, pour la délivrer, je n’ai plus à compter que sur moi-même : cette certitude est, en fin de cause, tout le résultat obtenu par près d’une année de patience et de démarches, et je n’ai plus qu’à me préparer pour la grande entreprise dont je vous ai parlé.

» Singulière femme que cette Luigia ! malgré toute l’affection qu’elle me témoigne et le sentiment plus vif qu’elle est censée avoir au fond du cœur, sans me le témoigner, elle ne paraît pas s’inquiéter pour moi le moins du monde, et elle se dit aussi sûre de me revoir que s’il était question pour moi d’un voyage de Paris à Versailles. Tout bien