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Page:Balzac - La Famille Beauvisage.djvu/270

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origine, et au contraire les immondices patrimoniales jetées sur les premiers échelons par lesquels il doit monter à sa gloire, ne font paraître celle-ci que plus éclatante en la montrant plus chèrement achetée.

Quand Sallenauve parla de son projet à Bricheteau, le musicien n’y vit qu’une seule difficulté, à savoir son orgue de Saint-Louis-en-l’Ile qu’il lui faudrait quitter.

À cela Sallenauve de répondre, qu’en Italie, où il y a tant d’églises, les orgues ne sauraient manquer.

— Oui, répliqua Bricheteau, mais ce ne sera pas ce vieil ami, avec lequel j’ai vieilli moi-même, que j’ai fait restaurer à mes frais, et dont je sais tous les forts et tous les faibles ; et puis, ajouta-t-il, qui saura me souffler comme mon pauvre Gorenflot ?

— Gorenflot, dit Sallenauve, nous avons beaucoup trop oublié jusqu’ici, qu’il avait été mon banquier, et que c’était par ses mains que m’arrivait la cotisation annuelle de ces bonnes et charitables créatures qui, avec vous, ont fait les frais de mes études. Nous lui assurerons une pension pour ses vieux jours, et dans les arrangements que nous allons avoir à prendre pour notre fortune, il faudra aussi s’inquiéter du sort de mes bienfaitrices, et arranger définitivement leur existence de façon qu’elle soit assurée quand nous ne serons plus là.

Somme toute, Bricheteau était trop artiste pour n’éprouver pas une certaine joie secrète à la pensée de visiter l’Italie. Ses objections pro formâ, réduites à néant, en sa qualité d’intendant, il se chargea de toutes les dispositions préliminaires. Vendre le chalet, il n’y avait pas à y penser ; le vieux Philippe serait laissé pour en être le gardien, et on l’autorisa à le mettre en location, bien moins pour retirer l’intérêt du capital engagé que pour parer aux dégradations que subit toujours une maison quand pendant longtemps elle a cessé d’être habitée. Toutefois il fut expressément recommandé au majordome de choisir son monde et de ne point s’engager avec des locataires qui ne fussent de tout point convenables. Quant au château d’Arcis, il resta décidé qu’on s’en déferait ; de mauvais souvenirs se rattachaient pour Sallenauve à cette propriété, et comme, en se détournant fort peu, Arcis se trouve sur la route de l’Italie par la Bourgogne, on dé-